Une autre façon de revisiter le Carpe diem d'Horace…
(par Philippe Graf)

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" La meilleure façon de laisser sa vie se perdre, c'est de la remettre à plus tard "
" De la brièveté de la vie "
- Sénèque



Bien plus que ce que la publicité ne voudrait nous faire croire, cette phrase ne suggère pas seulement le fait de profiter du maintenant, du tout de suite, du prêt à consommer ou de l'instantané d'un plaisir fugace (du quand je veux et comme je veux); non, elle suggère la construction de toute une vie.

Dans notre société, où le passé apparaît comme ringard et le futur comme incertain, le seul refuge est la consommation de biens immédiats, parfois superficiels, souvent superflus et surtout solitaire (comme si l'individu devait se sauver ou se préserver des autres).

Mais pour profiter pleinement du présent, ne faut-il pas se souvenir du passé et anticiper le futur ? Bête question que suggère Sénèque! Mais il est vrai que le plaisir mérite un abandon et donc de la confiance (en soi, aux autres, à l'avenir), c'est à dire que si le passé n'est pas résolu ni mémorisé, comment se souvenir de ses erreurs et de ses bonheurs, à savoir comment ne pas recommencer les uns et réitérer les autres ; enfin si l'on ne se souvient du passé comment anticiper l'avenir ? Penser l'avenir … Suggère une réflexion, une anticipation, et pour que cette pensée se développe plus loin chaque jour, il faut pouvoir se souvenir des réflexions déjà établies, des leçons du passé et peut-être même de l'expérience des autres.

Donc pour s'abandonner au présent en toute quiétude, avoir digéré son histoire et avoir pensé le futur met dans de bonnes conditions pour s'ouvrir aux plaisirs du moment. Rassembler tous les temps en un seul, en pleine conscience et sagesse.

Cette unicité de la triade du temporel, fait appel aux composantes de notre être : le corps comme support ; la mémoire et la cognition pour apprendre, comprendre et s'interroger ; l'émotion pour vivre, ressentir, aimer et s'émouvoir.

Là aussi, notre culture occidentale divise l'être ; en effet qui ne pense pas qu'un footballeur est forcément mou du cerveau, qu'un prix Nobel est asportif et mou du corps et qu'un artiste ne comprend rien ni aux sciences et ni à la réalité.

Or pourquoi ne serions nous pas les trois à la fois ? Même si peut-être les proportions ne sont pas identiques pour chacun de nous et qu'elles évoluent au fil du temps. Mais pourquoi devrions nous nier notre corps ou nos sentiments et émotions ou notre intelligence ? Pour pouvoir être rangé, classé dans des tiroirs, desquels nous ne bougerions pas ?

Non ! La pleine jouissance du présent mérite d'unifier les trois temps et les trois composantes de notre être. Elles s'imbriquent d'ailleurs intimement, si le présent est l'émotion, le passé la mémoire et le futur l'intelligence, le corps est support de toutes ces fonctions.

Enfin si je devais en finir là, pourquoi afin de relativiser et de s'encourager, je ne pourrais pas me répéter à chaque instant que la vie est trop longue pour ne rien faire et trop courte pour tout faire …

Philippe Graf

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